Cour de Cassation 11 septembre 2015, IEFbe 1534 (SIMIM en Playright contre État Belge)
Resumé par Michaël De Vroey, Baker McKenzie. En vertu de l'ancienne loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, la rémunération équitable au profit des artistes-interprètes ou exécutants et des producteurs est déterminée par la commission pour la rémunération équitable (la « Commission Article 42 »). Les décisions de ladite commission sont rendues obligatoires à l'égard des tiers par arrêté royal.
Le 8 avril 2013 [ed. playright-news], la Commission Article 42 a décidé à la majorité des voix d’exempter les professions libérales du paiement de la rémunération équitable pour l’utilisation de musique dans les salles d’attente, ce à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 mars 2012 dans l'affaire Del Corso (C‑135/10). Les sociétés de gestion SIMIM et Playright qui avaient voté contre cette décision lors de la réunion de la Commission Article 42, ont alors demandé au président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, de suspendre à titre provisoire les effets de la décision du 8 avril 2013 et d'interdire à l’État belge, en la personne de son ministre de l’Économie, de présenter à la signature du Roi un projet d’arrêté royal en vue de rendre ladite décision obligatoire à l’égard des tiers. Par une ordonnance du 30 mars 2013, le président a déclaré l'action recevable et partiellement fondée.
Aux termes d’un arrêt du 21 février 2014, la Cour d'appel de Bruxelles [ed. voir ici et Tribunal de première instance Bruxelles] a toutefois considéré qu’une telle demande en suspension des effets de la décision de la Commission Article 42 à l’égard de SIMIM et de Playright était non fondée à défaut d’urgence. La Cour s'est par ailleurs déclarée sans juridiction pour statuer sur la demande visant à empêcher l’adoption et la publication d’un arrêté royal donnant force obligatoire à la décision du 8 avril 2013 en raison du principe de la séparation des pouvoirs et de l’article 6 du Code judiciaire. Elle a par ailleurs souligné qu’une telle interdiction aurait des effets erga omnes dès lors qu’« en l’absence de cet arrêté royal, les titulaires de professions libérales ne pourront pas invoquer la décision de la commission du 8 avril 2013 pour échapper au payement de la rémunération équitable ; que la mesure sollicitée, si elle est accordée, affectera les droits et obligations de tous les titulaires de professions libérales qui sont redevables d’une rémunération équitable sous le régime de l’arrêté de 1999 et ne le seraient plus en vertu de la décision du 8 avril 2013; que cette décision aboutirait donc à modifier erga omnes le régime réglementaire applicable entre les sociétés de gestion des droits voisins, d’une part, et l’ensemble des professions libérales, d’autre part ». Ceci n’exclut toutefois pas que « certains titulaires de professions libérales ou autres débiteurs invoqueront peut-être la jurisprudence Del Corso pour ne pas payer, mais ceci n’est pas la conséquence de la décision de la commission ».
Par un arrêt du 11 septembre 2015, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi des sociétés de gestion SIMIM et Playright contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 21 février 2014.
Sur le premier moyen, la Cour a considéré que la décision de la Commission Article 42 prise à la majorité des voix ne lie ni les sociétés de gestion ni les organisations représentant les débiteurs de la rémunération avant que cette décision n’ait été rendue obligatoire à l’égard des tiers par arrêté royal de sorte que ce moyen, reposant sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le deuxième moyen, la Cour a estimé qu'en considérant que les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire sont sans juridiction pour interdire au pouvoir exécutif d’adopter et de publier un arrêté royal à portée générale, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de se déclarer sans juridiction pour statuer.
Michaël De Vroey