Gepubliceerd op maandag 22 juni 2015
IEFBE 947
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Tous types d’écrits peuvent prouver la cession d’un droit d’auteur

Cour d'appel de Liège 20 mars 2014, IEFbe 947 (Oxyos contre Auctus-Vion)
Resumé envoyée par Thibaut D'hulst et Eléonore Waterkeyn, Van Bael & Bellis. Dans un arrêt du 20 mars 2014, la Cour d’appel de Liège s’est prononcée sur l’exigence d’un écrit à des fins probatoires en matière de cession d’un droit d’auteur sur un programme d’ordinateur. En 1999, la société Auctus a développé un logiciel informatique permettant d’optimiser la productivité des processus industriels en prévoyant et gérant la charge de travail desdits processus. Pour ce faire, Auctus a fait appel à un consultant aux fins de, notamment, programmer le logiciel sur commande (c’est-à-dire de transcrire la méthode développée par Auctus en langage informatique de programmation (code source)).

En 2010, le consultant (personne physique) a conclu, avec la société Vion, un accord de transfert des droits de propriété intellectuelle relatifs au logiciel. Auctus a contesté cette cession étant entendu que, selon elle, le consultant n’était pas titulaire de ces droits de propriété intellectuelle. Après avoir obtenu qu’il soit procédé à une saisie-description à l’encontre du consultant, Auctus a cité le consultant devant le président du tribunal de commerce de Liège statuant comme en référé. Celui-ci a fait droit à la demande d’Auctus. Le consultant a alors fait appel de ladite décision devant la Cour d’appel de Liège.

La Cour d’appel, après avoir rappelé que la loi relative aux programmes d’ordinateur ne déroge pas au principe du droit d’auteur belge selon lequel le titulaire du droit, l’auteur, est la personne physique qui a créé l’œuvre, a cherché à identifier cet auteur. Etant donné l’impossibilité pour Auctus d’établir qu’un de ses dirigeants ou employés aurait pris une part effective à la programmation du logiciel, Auctus ne pouvait faire valoir aucun droit indivis sur le logiciel. La Cour d’appel en a donc conclu que le consultant était le titulaire originaire des droits sur le logiciel.

La Cour d’appel s’est ensuite penchée sur la question d’une éventuelle cession du droit d’auteur dont le consultant était le titulaire originaire au profit d’Auctus.

Préalablement à l’analyse de la situation in casu, la Cour d’appel a jugé utile d’énoncer les principes applicables aux cessions de droits d’auteur portant sur des programmes d’ordinateur. Tout d’abord, le fait que le logiciel ait été élaboré par le consultant dans le cadre d’un contrat de commande, moyennant rémunération, ne saurait entraîner automatiquement le transfert des droits de propriété intellectuelle au commanditaire. Ensuite, à défaut de règles spécifiques au contrat de commande dans la loi sur les programmes d’ordinateur, la loi sur le droit d’auteur est d’application. Enfin, étant donné que l’activité d’Auctus, le commanditaire, relève d’une industrie non-culturelle et que le programme d’ordinateur est destiné à cette activité non-culturelle, un régime probatoire allégé est d’application aux cessions de droits. Seules les règles de la cession expresse des droits, de l’exigence d’un écrit à des fins probatoires et le principe de l’interprétation restrictive s’appliquent au contrat de commande relativement aux droits sur un programme d’ordinateur.

Suite à un examen des pièces des dossiers des parties, la Cour d’appel a estimé qu’Auctus était parvenue à suffisamment démontrer l’existence d’un écrit et d’une volonté expresse de cession dans le chef du consultant. A cette fin, la Cour d’appel s’est notamment fondée sur les écrits suivants:
- La facturation du consultant qui ne reprend qu’Auctus dans le champ réservé aux clients;
- Le rapport d’expertise attestant de ce que (i) Auctus avait effectué de nombreuses démarches en vue de breveter le logiciel aux Pays-Bas; (ii) le consultant était informé de ces démarches vu qu’il était le destinataire de nombreux courriers électroniques s’y rapportant et qu’il a, lui-même, entrepris certaines démarches en ce sens; (iii) l’adresse électronique utilisée par le consultant pour entamer les démarches appartenait au domaine auctus-consulting.com, ce qui démontre, selon la Cour d’appel, que le consultant agissait au nom d’Auctus et non en son nom propre;
- Le rapport d’expertise mettant en exergue des courriers électroniques dont le consultant était l’un des destinataires par lesquels la qualité de titulaire du logiciel était attribuée à Auctus;
- Les constatations de l’expert selon lesquelles la mention de copyright sur une série de programmes exécutables du logiciel et de versions de la notice d’utilisation du logiciel, qui était depuis de nombreuses années ‘Auctus’, avait été récemment remplacée par le nom du consultant.

La Cour d’appel souligne que, bien qu’un écrit soit nécessaire pour établir une cession en matière de droits d’auteur, il n’est nullement requis qu’un contrat ait été signé à ce titre; tous types d’écrits doivent pouvoir être pris en considération. Selon la Cour d’appel, les documents présentés par les parties mentionnaient clairement Auctus comme étant titulaire des droits sur le logiciel. Selon la Cour d’appel, il ressort clairement de ces documents que le droit d’auteur sur le logiciel appartenait à Auctus lors de la conclusion par le consultant et Vion d’un accord de transfert portant sur ces droits.